LA GRANDE MENACE Le 12 mars, un tremblement de terre d'une puissance incroyable et un tsunami d'une violence phénoménale confronte le Japon et la planète tout entière à une menace nucléaire d'une ampleur insoupçonnée. Les dangers de l'atome, des êtres humains les ont testés, au Kazakhstan, sans le savoir, et sans que le monde sache, comme des cobayes. On estime à 150 000 le nombre de personnes irradiées dans cette région reculée du monde entre 1949 et 1985 par 456 explosions atomiques, dont 116 à l'air libre. Aujourd'hui, des enfants qui n'ont jamais connu l'ère soviétique ni vu le champignon nucléaire continuent de naître avec des gènes modifiés qui entraînent de lourds handicaps. Entre la grande menace du Japon et les mutants du Kazakhstan: la peur et les dangers de l'atome, c'est vendredi, dans Reporters. L'émission de ce vendredi est donc scindée exceptionnellement en 2 parties. La première reprend la chronologie des événements dramatiques qui ont conduit à ce que le commissaire européen à l'énergie n'hésite pas à qualifier d' « apocalypse » nucléaire au Japon. La seconde est consacrée aux expériences terrifiantes et inconnues menées au Kazakhstan sur les dangers de l'atome et pour lesquelles des milliers d'êtres humains ont servi de cobaye à leur insu et à l'insu du monde. KAZAKHSTAN : LES MUTANTS DE L'ATOME Un reportage d'Angélique Kourounis Ils sont les premiers mutants de l'espèce humaine : exposés pendant 40 ans aux essais nucléaires soviétiques, les habitants de cette région du Kazakhstan ont servi de cobayes humains. On estime à 150 000 le nombre de personnes irradiées entre 1949 et 1985 par 456 explosions atomiques, dont 116 à l'air libre. La ville de Kourtchatov, base ultrasecrète où vivaient les scientifiques et techniciens avec leurs familles, n'était mentionnée sur aucune carte à l'époque. Aujourd'hui, elle abrite des êtres détruits : ils souffrent de cécité ou de faiblesse des os, ils ont parfois le visage complètement déformé. Le taux de cancer est 3 fois supérieur à la normale. Les naissances monstrueuses sont légion depuis les années 50. En témoigne ce laboratoire de recherche dans lequel on conserve, dans des bocaux remplis de formol, certaines des plus effrayantes difformités frappant les enfants mort-nés de la région. Reconnues par l'Etat, ces victimes de l'atome touchent de modestes pensions. Mais le plus grave, c'est que les radiations ont marqué pour toujours leur patrimoine génétique. Leur malédiction, ces Kazakhs la lèguent aux générations futures : des enfants qui n'ont jamais connu l'ère soviétique ni vu le champignon nucléaire continuent de naître avec des gènes modifiés qui entraînent de lourds handicaps. Les autorités actuelles, loin de faire leur mea-culpa, n'hésitent pas à considérer que les essais nucléaires des années de guerre froide, quelles qu'en aient été les conséquences, étaient nécessaires et même indispensables... Elles envisagent d'ailleurs aujourd'hui de tourner la page en rendant à l'exploitation agricole les immenses terrains utilisés pour les essais, des terrains irradiés auxquels on s'apprête donc à confier la culture de plantes destinées à la consommation, sans connaître précisément les risques encourus. |